Le Ruisseau et le petit Caillou Léon Riffard (1829 - ?)

Dans le lit d'un petit ruisseau
Qui, de son flot limpide, arrose
Là-bas, au penchant du coteau,
Un pré vert, où paît maint troupeau,
Sur un banc de graviers, un petit caillou rose
- On dirait du corail ! - brille et rit à fleur d'eau.
La lumière du jour, qui glisse à la surface,
Noire de place en place,
Où vient tomber du bord quelque sombre reflet,
Se brise obliquement sur ce petit galet,
Et tremble tout autour, comme métal fluide.
Lui, radieux, dans la poussière humide,
Triomphe. Seulement, pourquoi tant d'embarras,
Et de fracas ?
C'était assourdissant à la fin. Le murmure
De ce ruisseau grognon attristait la nature.
De quoi se plaignait-il? - Mais il se plaint de vous,
Répondit un cresson, qui, poussant en bordure,
En dehors du courant, mettait dans les remous
De larges plaques de verdure ;
S'il coulait constamment sur un lit de cresson,
Tranquille en son petit voyage,
De la paix, du bonheur il offrirait l'image.
C'est vous, méchants galets, qui, barrant le passage,
Le forcez de chanter sa plaintive chanson,
Et puis, vous réclamez ! Est-ce juste ? est-ce sage ?

M'est avis qu'il avait raison
Ce cresson.
Hélas! dans les conflits iniques
Des caractères, des humeurs.
Que de ruisseaux mélancoliques
Que de petits galets gêneurs
Et rageurs.

Livre II, Fable 8




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