Les Principes Léon Riffard (1829 - ?)

Quand le Rhône, tombant des glaciers de la Suisse,
Poussait vers le Midi son immense flot noir,
A travers champs, creusant son lit, long précipice,
Ecumant et grondant, sombre, terrible à voir !
Il alla se heurter, dans un élan sublime,
Contre les monts altiers des Cévennes. Le choc,
Ebranlant leur massif de la base à la cime,
Fit la vague jaillir jusqu'au sommet du roc.
On entendit au loin comme un coup de tonnerre.
La montagne parut s'abîmer !... Mais soudain
L'écroulement de l'eau, dans la blanche poussière,
Fit surgir le rocher debout et souverain !
Les Cévennes avaient remporté la victoire.
Le Rhône, en refluant, rencontra le Ventoux.
Mais le Ventoux lui dit, souriant dans sa gloire :
« Les Alpes ne sauraient s'abaisser devant vous :
Passez votre chemin. » Et, furieuse, l'onde
Se rua vers le Sud, d'un bond prodigieux ;
Et les grands animaux, qui peuplaient le vieux Monde,
Debout à l'horizon, noirs sur l'azur des cieux,
Couronnaient les hauteurs, et, la tête penchée.
Mêlant au bruit des eaux un long mugissement,
Regardaient s'écouler la sombre chevauchée
Des flots poussant les flots sans trêve. Par moment
Au travers d'un rayon que le couchant allume,
On voyait au-dessus du noir fourmillement
Courir et flamboyer les panaches d'écume !...
Et puis la vision s'éteignait. Cependant,
Par delà les brouillards, par delà les abîmes,
Là-bas, au fond du ciel, dans une gloire d'or,
Les pieds dans la vapeur qui les noyait encor,
Emergeaient au soleil les immortelles cimes.

Livre III, Fable 4




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