Simplette Léon Riffard (1829 - ?)

La gentille simplette, à l'écart du village,
Triste, s'était assise au bord du clair ruisseau,
Le bout de son pied nu, qu'elle trempait dans l'eau,
Creusait dans le courant comme un petit sillage.

Un brin de nymphéa, détaché du rivage,
Et qui sur le ruisseau glissait en surnageant,
Vint sur ce petit pied poser ses fleurs d'argent.
La belle en se baissant le saisit au passage,

Et d'une main distraite en para ses cheveux.
La tiçe retombait, et ses feuilles humides
Mêlaient aux boucles d'or des diamants liquides...
Cependant une larme avait voilé ses yeux.

De la Mélancolie on eût dit quelque image !
Et toujours le pied nu pendait au fil de l'eau,
Et le courant venait s'y briser. Un oiseau
Se posa tout à coup en face sur la plage. -

Des perles de jais fin forment ses deux gros yeux ;
La topaze brûlée enrichit son corsage,
Et l'émeraude luit partout sur son plumage,
Mêlant aux reflets roux ses feux verts, sinon bleus.

Pourquoi donc, lui dit-il, ô gentille Simplette,
Troubles-tu de ces eaux le paisible miroir ?
Comment t'y prendras-tu, coquette, pour te voir
Si tu veux tout-à-1'heure achever ta toilette ?

Hélas ! plus n'ai besoin, fit-elle, de miroir.
Hélas ! plus ne me chaut d'être brave et coquette.
Que ne lui disais-tu, lorsqu'auprès de Simplette
Il venait l'an dernier, ici-même, s'asseoir :

Laisse, ô bel Etranger, laisse cette pauvre âme,
Dont rien n'a pu ternir le limpide cristal,
Epargne ses quinze ans, sa jeunesse... c'est mal,
De mettre dans des yeux d'enfant des pleurs de femme.

Regarde ! de cette eau l'inaltérable cours
Reprend sa transparence, ô bel oiseau ! dans l'onde
Tu pourrais voir déjà flotter ma tresse blonde ;
Mais le cours de ma vie est troublé pour toujours.

Livre I, Fable 9


Titre complet : Simplette ou La jeune fille et le Martin-Pêcheur.



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