Parmi les vers païens, corrompus ou frivoles,
Qui vont chantant, riant, le bonnet de travers,
Ivres, menant la ronde à l'entour des idoles,
Ou bien se dénouant en sarabandes folles,
Toi seul, tu fais sonner de viriles paroles :
Tu pleures nos malheurs ; tu maudis ; tu consoles !
Les nobles cœurs font les beaux vers.
Soldat par la bravoure, Aède par la race,
Tu mêles combats et chansons.
Ta muse porte la cuirasse.
Ton Parnasse
Est, comme Gibraltar, hérissé de canons !
Laisse-moi cependant t'offrir ces quelques rimes :
Elles n'ont rien de belliqueux ;
Paysages, croquis, des contes, des maximes :
Je m'acquitte comme je peux.
Mais, toi, Poète, au vent des grands souffles lyriques
Ouvre ton aile. Armé de la lyre d'airain
Fais pénétrer partout le charme souverain.
De tes beaux chants patriotiques.
A nos jeunes Gaulois, par tes leçons épiques,
Apprends la haine des Romains.
Fais redire à leurs soeurs d'héroïques refrains
Comme jadis, aux temps druidiques.
La France est encor là, toujours là, c'est certain :
Aux champs, aux bois, aux pâturages,
Dans ces milliers de villages
Perchés sur les hauteurs, ou blottis sur les plages,
Dans ces enfants, soldats demain !
Oh! qu'ils prêtent l'oreille à ta mâle harmonie.
Telle autrefois, au bon pays lorrain,
Quand la France saignait, mutilée, asservie,
Agenouillée au fond des bois,
Jeanne écoutait les saintes voix
Qui disaient : lève-toi ! va, sauve la Patrie !
30 décembre 1882