Tibère, allant à la campagne,
Vit, au cap de Misène, un de ses beaux palais
Qu'autrefois Lucullus fit bâtir à grands frais,
Et qui, du haut d'une montagne, ⠀⠀
Offrait en même temps aux regards satisfaits mob of
Le coup d'œil d'un pays fertile,
Et la mer de Toscane auprès,
Et plus loin celle de Sicile.
Comme il se promenait dans ces lieux enchantés,
De ses riants jardins admirant les beautés,
Il fut obsédé par un page.
Ceux d'alors, nés dans l'esclavage,
Désiraient tous d'être affranchis.
Pour y parvenir, comment faire ?
Un de ceux qui servaient dans ce brillant logis
Voit le maître arrivé, croit le moment prospère :
Il s'est donc, ce jour-là, mieux mis,
Plus attifé qu'à l'ordinaire ;
Ses cheveux sont pendants, ses habits retroussés ;
Il affecte un air leste et des soins empressés :
Tantôt, en avant de Tibère,
Sur le sable brûlant il penche l'arrosoir ;
Tantôt d'une autre allée il abat la poussière ;
Il est dans tous les coins, ambitieux de plaire,
Et surtout de se faire voir.
Tibère, à chaque pas trouvant cette figure,
A reconnu son homme et vu ce qu'il augure ;
Il lui fait signe d'approcher.
L'autre soudain vers lui s'élance,
Croyant qu'il a pu le toucher,
Et qu'il aura pour récompense
Ce soufflet qui, donné par la main d'un seigneur,
Devenait pour l'esclave une marque d'honneur,
Et le sceau de l'indépendance.
Tibère était railleur ; il dit au bon valet :
« Je t'entends, mon ami, tu quêtes un soufflet.
Toute reconnaissance à toute peine est due ;
Mais la tienne est trop mince : hélas ! elle est perdue. '
Avec moi, j'en suis bien fâché,
L'on ne saurait gagner, à la première vue,
Des soufflets à si bon marché. »
Phèdre avec élégance a conté cette fable,
Ou plutôt, comme il dit, ce récit véritable.
Il voulait corriger des gens bien importuns,
Sortes d'originaux, à Rome trop communs ;
Courriers universels, occupés sans affaires,
Se trémoussant beaucoup quoiqu'ils n'agissent guères,
Fatigants pour autrui, d'eux-mêmes fatigués,
Essoufflés sans objet, et sans but intrigués.
De ces Ardélions la peinture parlante,
Après dix-huit cents ans, est encor ressemblante,
Et le sera toujours : on verra de tout temps
Des sots qui, par des riens, se croiront importants.