Les Cordons Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Un vizir trop franc en affaire,
Jadis à son maître déplut.
Le sultan, pour le faire taire,
Prit le plus sûr moyen, et soudain résolut,
D'envoyer le lacet qui devait l'en défaire .
Si cet abus du bon plaisir
De nos jours est plus rare aux rives du Bosphore,
Il était de mode encore,
Au temps de notre vizir.
Un muet, pourvu d'un beau cordon de soie,
Lui porta du sultan les ordres absolus.
La victime, dit-on, les reçut avec joie ;
Puisqu'on le dit, il faut que je le croie.
Au reste, le vizir bientôt ne parla plus.

Des gens qui péroraient contre le ministère
En implacables ennemis,
Après s'être ainsi compromis,
Se sont un beau matin décidés à se taire.
Nous ne comprenons pas cet étrange mystère,
Nous sommes étonnés, et nous nous demandons
Pourquoi si promptement ils ont cessé leur rôle :
C'est qu'il est chez nous des cordons
Qui coupent aussi la parole.