Le Héron et la Corneille Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Certain héron pusillanime
À la corneille dit un jour :
« Ma chère, nous avons un ami sûr, intime,
Un protecteur, enfin, dans ce vautour
Qui, dans cette contrée... — Es-tu donc fou ? — Non, certes !
« Écoute, paisible héron, »
M'a-t-il dit, « quand je viens, de ces bords tu désertes ;
« A tort tu me fuis, je suis bon.
« Je n'en veux qu'au milan ; même, je te protège
« Contre ce ravisseur, et de ton amitié
« Je fais grand cas ; tes maux excitent ma pitié.
« Si cela n'était pas, ami, te le dirais-je ? »
— Et ce langage t'a touché?
— Oui, je suis sûr qu'il est sincère ;
Il n'a pour moi rien de caché;
Moi, pour lui je n'ai nul mystère.
Faire ta connaissance est son plus vif désir,
Et nous aurons le doux plaisir
De le voir, chez nous, dans une heure.
— Qu'entends-je ? ô ciel ! qu'as-tu fait, malheureux ?
Au traître as-tu découvert ma demeure ?
— Que crains-tu d'un ami ? Ma confiance, au mieux,
Est placée en son cœur. — Nos enfants, misérable,
Peut-être ne sont plus !... — Il en est incapable... »

D'un vol rapide ils vont tous deux,
Dans la crainte qui les occupe,
Vers leurs nids.., c'est trop tard !.. En pleurant, en criant,
La corneille lui dit : « Tu vois comme on est dupe,
Las ! quand ou est trop confiant ! »

Livre V, fable 2




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