Depuis que notre premier père
Du Paradis terrestre avait été chassé,
Regrettant son bonheur passé,
Maudissant Eve notre mère,
Il lui reprochait sa misère.
« C'est votre curiosité
Et votre désobéissance,
Lui disait-il, qui m'ont coûté
Le bonheur de mon existence.
Si vous ne m'eussiez pas tenté,
Je n'aurais rien perdu de ma félicite.
Je vous 'dois toute ma disgrâce.
Il me semble qu'à votre place
Je me fusse mieux comporté. »
Eve baissait les yeux et gardait le silence ;
Elle soupirait et pleurait :
Dieu qui vit ce qu'elle endurait
Eut pitié de tant de souffrance.
Il fit venir Adam, et lui dit: « Mon cher fils,
Le repentir est une autre innocence.
Le tien mérite récompense ;
Je vous rendrai le Paradis
A tous deux, en faveur de ton obéissance.
Sache qu'en cette boîte d'or
Est un trésor
Immense :
Elle est à toi désormais ?
Mais promets-moi de ne l'ouvrir jamais.
Si tu tiens ta promesse,
Si pour un an tu m'obéis,
Vous regagnerez ma tendresse
Et le séjour du Paradis. »
Adam promit et, le bonheur dans l'âme,
Il revint au logis,
Puis montra fièrement la cassette à sa femme,
En lui disant : « Plus de soucis 1
Vous verrez si je tiens ce qu'à Dieu j'ai promis !
Ce n'est vraiment pas dissicile ;
Le Seigneur est trop bon pour nous.
. Ne pleurez plus, soyez tranquille,
Je ne ferai pas comme vous. »
Au pauvre Adam bientôt chaque heure semble lente ;
Que peut donc contenir cette boîte élégante ?
Quelque bonheur plus étendu
Que celui qui l'attend au Paradis perdu ?
Il y songe le jour, et la nuit il en rêve.
Grâce à la boîte d'or, il n'a ni paix ni trêve.
Enfin, n'y tenant plus, un soir,
Il la prend, sans être vu d'Eve,
Et, sans doute pensant que Dieu ne peut le voir,
Frissonnant de crainte et d'espoir,
Il prend le couvercle et le lève !
Il regarde... Ô surprise ! il lit ces mots vengeurs :
« Tu ne peux plus accuser Eve
D'avair causé tous tes malheurs. »

Fable 43




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