Pour un prince africain un jeune Lionceau
Fut arraché de son berceau ;
Puis, à force de soins, et de jeûne, et d’adresse,
On l’instruisit ; enfin, on en fit un agneau
On le croyait du moins !... Le Prince et la Princesse
Lui faisaient partager leur table et leur ennui :
On l’honora bientôt du nom d’ami ;
Un prince, il faut qu’on le confesse,
En a beaucoup de cette espèce.
Un jour que du Prince africain
L’ami Lion léchait la noble main,
Par cette langue épaisse et de meurtre altérée
La peau se trouva déchirée ;
Le sang parut !… Vous eussiez vu les yeux
Du jeune monstre atrocement joyeux !
Une agitation horrible
À coups pressés faisait battre son flanc,
Et son regard, plein d’un instinct terrible,
Semblait dire : Oh ! voilà du sang !
On s’aperçut de l’infâme allégresse
Du compagnon de Son Altesse ;
On l’étrangla, c’était bien le plus court :
Il eût croqué le Prince avec toute sa cour !
Sur l’amitié des gens de féroce nature
Se confier, c’est être sans raison :
Cette amitié-là n’est pas sûre.
Si bien apprivoisé que paraisse un lion,
Craignez pour lui l’occasion !