Comment la Brebis et la Chievre et Genice et le Lion s’entr'accompagnèrent Ysopet I (Moyen Âge)

Moult a grand pièce que l’en dit
Que compaignie Dieu la fist;
Mais d’une que vous veuil ci mettre,
Ne se dut oneques entre mettre.
Entre la chievre et la genice
Et la brebis qui tant est niee,
Prindrent au lion aliance
Et compaignie, par fiance :
Foy soy porter entre-promistrent.
Un jour avint qu’un grand cerf pristrent :
Quant vint à faire les parties,
Paroles y ot départies :
Le lyon dit qu’il yert seigneur
De la première, par honneur:
Et, pour ce que ma force est graindre,
Me doit la secunde remaindre :
Si veuil, je vous fais a savoir,
Pour mon travail la tierce avoir :
Et qui me néera la quarte,
Il convient qu’amour se départe.
Ainsi vuelt choisir et eslire
Que nuis ne li osa desdire.

Cils qui a plus fort s’acompaigne
De soi bien est drois qu’il s’en plaigne :
A peinnes voit-on homme fort
Qui, au foible, loiauté port.
Se tu veuls avoir compaignon,
Ne pren n’orgueilleux ne gaignon 5
Ne t’acompaigne a grans satrapes :
Us auront le fruit, tu les grapes.
Ferme amour et grant seigneurie
Estre ensemble ne sieulent mie.
De seigneur amour, héritage
N’est pas bien : convient autre gage.

Tiré du le livre Fables inédites des XIIè, XIIIè, XIVè siècles et Fables de la Fontaine, par A.C. M. Robert, 1825, p.34


Fable LI

Notes

Nice : simple, niais
Yert ou iert : était, de erat
Graindre ou greigneur : plus grand
Remaindre ou remanoir : rester, de remanere
Gaignon : querelleur comme un chien


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