Au bon vieux temps, où, sans longue sentence,
Un homme était pendu pour avoir pris cinq sous,
On allait mettre, un jour, à la potence
Le plus novice des filoux ;
Non loin de là s'élevait la statue
D'un noble Conquérant, d'un brave Usurpateur,
Naguère encor soldat, maintenant empereur,
Qu'on abhorrait hier, qu'aujourd'hui l'on salue
Des noms sacrés de père et de libérateur :
O des mortels admirable justice !
O du Destin malencontreux caprice !
Disait le Patient, déplorant son malheur ;
Quand, pour vol de bibus, les lois me sacrifient,
Si, pour vol d'un empire, elles nous déifient,
Que ne suis-je né grand voleur !
Le drôle avait raison ; rien que son axiome,
Je l'eusse gracié : les lois devraient tenir
Que tout vol est un vol, et pour larron punir
Qui fait si d'une bourse, et ravit un royaume.