Le Courtisan et le Solitaire Franz Hermann Lafermière (1737 - 1796)

Certain Courtisan un beau jour
Sortit pour aller faire un tour ;
Devers les champs il prit sa marche,
(De la Ville il avait son soul).
Comme il marchait sans savair où,
Ainsi que tout Courtisan marche,
Il entendit certain bruit sourd
D’un bailler, non à bouche close,
Comme on fait bailler a la Cour,
C'était ici toute autre chose :
Un bailler franc et sans détour.
Soudain il se tourne en arrière
Pour regarder d’où le bruit pare.
C’était un bon vieux Solitaire,
Assis-là, tout seul a l’écart,
Sur un beau tapis de fougère,
Et qui marmottait sa prière,
Car il se faisait sur le tard,
Vous baillez fort, mon père : qu’est-ce
Lui demande avec politesse
L’Homme de Cour en l'abordant,
Serait-ce bien déjà l'instant
Du peut coucher qui vous presse ?
Non, dit ’Hermite, le soleil
Est encor haut. Le temps me dure:
Et si je baile outre mesure,
C'est l'ennui, non pas de sommeil.
» Prend-on aux champs cette habitude ?
»-Vous connaissez l'ennui. De quoi
» Vous ennuyez-vous donc ? — Ma foi,
Dit l'autre, de ma solitude.
Mais si d’ennui je suis rongé,
Vous, qui m’avez interrogé,
Sous votre habit si magnifique
Vous avez assez l’air que j'ai.
Je m’ennuie à la mort, réplique
Le Courtisan, L’autre à son tour :
De quoi, s'il vous plaît ? — De la Cour.
Ah ! ah ! reprit le Solitaire,
On dit bien : Les deux font la paire.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre I, Fable VIII




Commentaires