Jupiter s'ennuyait un jour,
Car on sait bien que partout on s'ennuie ;
On s'ennuie à la ville, on s'ennuie à la cour,
Aux sermons, à la comédie,
Aux champs-élyséens, au céleste séjour,
Souvent même à l'académie ;
Et quand ce triste mal ne peut gagner l'amour,
Il ne le doit qu'à la folie.
À la folie aussi Jupiter eut recours,
Et de Momus emprunta le secours,
Pour chasser sa mélancolie.
Or, c'est à cette occasion
Que nous devons l'invention
Des ponts-neufs et du vaudeville,
Du calembourg en bêtises fertile,
Du galoubet, du tambourin,
Des Jeannots et de l'Arlequin,
Des pantins, des tambours de basques
Et de l'usage fou des masques.
Sous le masque il est tant de quiproquos heureux !
Le quiproquo, c'est le père du Rire ;
Et dans un bal masqué qu'on donna dans les cieux,
Jupiter en vit plus que je n'en peux décrire.
De par l'ordre des Déités,
A ce grand bal se virent invités
Les grands du ciel et de la terre,
Princes et rois, ministres, secrétaires,
Tous en habits de caractère :
L'un en enfant, en bourlet, en lisières ;
D'autres en caporaux, maint autre en quinze-vingt ;
Enfin chacun de la manière
Qui dans l'esprit d'abord lui vint ;
Et, le masque sur le visage,
Tout ce beau monde se mêla,
Se rencontra, s'accosta, se parla,
Sans se connaître davantage.
On prit la pauvre vérité
Pour jalousie et pour brutalité,
Pour piété l'hypocrisie,
Le bel esprit pour le génie,
L'ambition pour le bonheur,
La satire pour la critique,
L'intrigue pour la politique,
Pour le mérite la faveur,
Pour sottise la modestie,
Pour la fierté l'effronterie ;
On prit des sots pour des savans,
Des pedans pour des gens de lettres,
Pour des héros des petits -maîtres "
Pour des sages des charlatans.
De tant de burlesques sottises
Jupiter de rire éclata :
Il s'amusait de ces méprises ;
Mais ce plaisir trop il goûta.
Pour lui plaire chacun dans son erreur resta.
O Minerve ! dis-moi quand ce bal finira ?





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