Un marcassin, passant auprès d’une fontaine,
Entra dedans, s’y vautra sans façon ;
Il remua si bien la vase et le limon,
Que l’eau devint sale et vilaine.
Un cerf venant après : « ô source de malheur !
Dit-il ; rien qu’à la voir ton eau fait mal au cœur.
Un goujat peut en boire,
Mais moi, jamais… on peut le croire. »
Sur ce propos un limier le tança ;
Tout le matin la meute le chassa ;
Et lorsqu’il eut bien arpenté la plaine,
Il se trouva tout près de la fontaine.
La chaleur l’accablait ; tout en nage, altéré,
Il se coucha dedans et but à gorge pleine.
Gardez-vous donc, amis, de dire à la fontaine :
« Fontaine, de ton eau jamais je ne boirai. »
Et vous qui de l’amour avez le nom en haine,
Prudes, ne dites point : « Jamais je n’aimerai. »
Un amant peut venir sans être désiré,
Et voir sur vous son triomphe assuré
Avant la fin de la semaine.