Du lis et de la violette
Une abeille dès le matin
Mélangeant les odeurs parfumait son butin,
Et ne regrettait point les fleurs du mont Hymette.
Tandis qu'errante sur le thym
Légèrement elle voltige,
Qu'elle exprime de chaque tige
Un suc ambré, pour elle agréable festin,
Qu'en se jouant elle se pose
Sur la cime des fleurs , ou qu'enfin mollement
Bercée au sein fleuri d'une mobile rose
Dont Zéphyre entretient le doux balancement,
Sans se distraire elle compose
Un miel pur, céleste présent :
Soudain arrive brusquement
Un lourd frelon, lâche qui déshonore
Par son impur attouchement
Le brillant empire de Flore.
En un fastidieux et long bourdonnement
Il lui tint à-peu-près ce discours : Ma mignonne,
Ton travail ne vaut pas la peine qu'on se donne
Pour en jouir enfin, je n'offense : personne ;
Mais que produit-il ? presque rien,
Travaille cependant, si c'est ta fantaisie.
Moi, je compose un miel , véritable ambrosie,
Cent fois plus abondant et plus doux que le tien ;
C'est le triomphe de ma gloire.
L'abeille répondit sans discours superflus :
Viens me montrer ta ruche, et je pourrai t'en croire.
Mais l'autre en bourdonnant vole, et ne revient plus.
Or maintenant il ne nous reste
Qu'à profiter de la leçon;
Défions-nous toujours d'un être fanfaron ;
Le vrai mérite est plus modeste.