Le Conquérant et le Lézard Raymond de Belfeuil (19ème siècle)
Certain conquérant, par hasard,
Vit un lézard
Qui dégradait une muraille.
« Que fais-tu là, canaille ?
Lui dit-il d'un ton dur.
Pourquoi dégrades-tu ce mur ?
D'obtenir ton pardon si ton esprit se leurre,
C'est bien à tort ; tu vas mourir sur l'heure,
Vil lézard, qui n'es bon à rien,
Qui peux faire du mal et ne fais aucun bien ! »
Le lézard répondit : « Le plus petit insecte,
Si faible qu'il paraisse, a droit qu'on le respecte.
Les Dieux eurent un but sans doute en le créant.
Il faut, pour condamner, que l'on soit innocent.
Admettons que je sois des êtres inutiles ;
Comment vous appeler alors, ô conquérant ?
Si je dégrade un mur, vous détruisez des villes. »
Ce lézard avait du bon sens :
Avant de régenter les gens
Et de faire les difficiles,
Pour nous-mêmes soyons des mentors exigeants.
